Construction intellectuelle et accompagnement scolaire.
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Learning ? Certainly - but living primarily and learning through, and in relation to this living. John Dewey dans les années 1890 ; traduction approchée : Apprendre ? Certainement - mais vivre d'abord et apprendre au travers de cette vie et en relation avec elle.
I) Devoirs, oui ou non ?
1) Cas général
En toute situation, les devoirs ne doivent pas être un moment de tension ou une source de conflits. En France, les devoirs écrits sont interdits depuis 1956. Rien n'oblige de les faire, et dés lors qu'ils ne sont plus un moment de complicité, mieux vaut tout arrêter. Ce qui aide les enfants à réussir à l'école, c'est avant tout de réinvestir ce qu'ils apprennent au travers de vrais moments de vie et voir émerger de nouveaux problèmes et de nouveaux défis à relever. C'est aussi la fréquentation régulière de types d'écrits différents. Par contre, l'accumulation de travaux traditionnels et d'exercices s'apparentant à du conditionnement n'apporte pas grand chose.
2) Cas particulier du CP
L'apprentissage de la lecture nécessite une attention individuelle quotidienne que l'enseignant ne peut assurer que partiellement en raison du nombre d'élèves dans sa classe. Il revient donc aux parents de poursuivre ce travail à la maison. Ils peuvent utiliser dans un premier temps les textes vus en classe puis prolonger par des albums simples une fois que l'enfant "lit" par coeur. En aucun cas on ne doit entamer les textes de la méthode avant qu'ils n'aient été introduits en classe. Ces séances n'ont pas besoin de durer des heures mais elles doivent être quotidiennes, surtout pendant les vacances de la Toussaint et de Noel qui sont des coupures "à risque". Lors d'une lecture commune, l'adulte relit chaque mot, puis chaque phrase, puis chaque page déchiffré par l'enfant pour qu'il puisse profiter de l'histoire. Sur les mots et les sons que l'enfant est capable de lire seul, il faut lui laisser le temps de chercher et l'aider sans faire à sa place (noms des lettres, sons des lettres, séparer les syllabes avec son doigt...). Sur les mots indécoupables que l'enfant ne reconnaît pas globalement, ou sur les sons d'écriture complexe (eil, euil, ueil, ien, oin...), il est inutile de laisser l'enfant sécher. Il ne s'agit pas de demander à l'enfant de tout lire seul. L'adulte peut aussi lire des passages pour permettre à l'enfant de récupérer et de profiter d'histoires plus longues. En toute situation, il faut rester calme et décontracté pendant les moments de lecture. Tout est affaire de patience et de complicité. L'empressement ne saurait que stresser l'enfant, donc retarder son apprentissage. Il n'est pas nécessaire de faire de travail écrit à la maison, l'acquisition de la lecture est déjà suffisamment lourde.
II) Les leçons
L'apprentissage des leçons à la maison est un sujet plus sensible qu'il n'y paraît car il est important aux yeux des parents alors qu'il n'est pas vraiment conforme à la manière d'apprendre des enfants. Apprendre par coeur est inutile puisque apprendre c'est comprendre. Mais encore faudrait-il être d'accord sur ce que veut dire "comprendre".
* En français, ce n'est pas la leçon qui compte mais l'utilisation que l'enfant en fait. La première des choses est d'aider l'enfant à identifier par lui-même, dans le cadre d'une production, à quel moment il a besoin de retourner jeter un oeil dans quelle leçon. C'est seulement ensuite que l'on verra comment il s'en sert. Autrement dit, rien ne sert d'apprendre une leçon sur la façon d'utiliser un marteau ou un tournevis si on ne sait pas faire la différence entre une vis et un clou.
* En maths également, il faut aider l'enfant à différencier les situations qui permettent ou ne permettent pas d'utiliser tel ou tel outil. Ensuite, il faut voir comment l'enfant se sert de ses outils. En cas de gros problème, il faut mieux prévenir l'enseignant qui pourra retravailler sur le sens que de s'enfermer dans la reproduction de techniques.
* En Histoire géo, il faut laisser l'enfant parler de sa leçon avec ses propres mots (sans lire à la lettre ni répéter par coeur) puis l'aider à rétablir la chronologie de ce qu'il évoque en s'appuyant sur les relations de cause à effet.
* En sciences, il s'agit de pouvoir expliquer ce qui a motivé un certain protocole expérimental, expliquer les résultats, proposer d'autres expériences pour mettre en évidence le même phénomène ou pour mettre à l'épreuve d'autres hypothèses.
III) Qu'est-ce qui fait vraiment la différence en matière d'éducation ?
1) La manière de communiquer
Parler à l'enfant et parler avec l'enfant sont deux choses bien différentes. Il est important d'avoir cette distinction en tête et de parler au maximum avec l'enfant, même si il arrive aussi de parler à, par exemple pour clarifier des limites non négociables. Crier est aussi à éviter car cela pousse l'enfant vers les extrêmes, c'est à dire à s'endurcir ou à se renfermer. On peut parfois se fâcher dans des situations suffisamment graves, mais il faut ensuite "retomber" au niveau de la voix et permettre à l'enfant de prendre du recul au travers d'un temps d'explicitation (explication calme). Voir aussi le coin philo.
2) L'équilibre des attentes
L'enfant se construit en fonction de ce que ses parents attendent de lui. Des attentes "molles", mal définies, ou entachées d'une apparente indifférence, empêchent l'enfant d'aller de l'avant, donc de se développer normalement. A l'inverse, des attentes que l'enfant perçoit comme étant inaccessibles peuvent entraîner un mal-être profond. Le tout est de trouver le bon équilibre, d'expliquer clairement ses exigences et de discuter avec l'enfant de la manière dont il les perçoit. Il faut aussi montrer à son enfant qu'on lui fait confiance, qu'on pense sincèrement qu'il atteindra les objectifs fixés. Dans certains cas, ces objectifs pourront être établis ensemble. Les attentes doivent être basées en premier lieu sur des attitudes et non sur des performances ou des résultats mesurés. L'éducation n'est pas une discipline olympique.
3) Une vie riche
Les enfants qui réussissent à l'école sont ceux qui ont une vie riche en termes de rencontres, d'activités expressives, d'échanges, de variété des modes d'expression, d'imaginaire et de créativité. Ils sont riches de leur bien-être, de leur sourire et de leurs amis. Ils comprennent la dérision et la parodie. Ils aiment se reconnaître au travers de ce qu'ils produisent et des progrès qu'ils observent. Et bien sûr ils jouent, avec les mots comme avec les ordures, voire parfois avec leurs jouets. En un mot ils vivent !
Olivier BATTEUX